jeudi 10 mai 2012

Les exercices transparadoxaux comme accès à la non dualité


Voici une video d'introduction aux exercices dits transparadoxaux, appellation que l'on doit à Michel-Laurent Dioptaz, auteur de l'excellent livre "Sarbacana, le souffle du présent" et fondateur de l'approche zen de l'art de la sarbacane.




Le mental fonctionne au quotidien de manière assez binaire, et son approche de la réalité l'est donc toute autant.
Si je fais l'expérience du chaud, je ne fais pas celle de son contraire, le froid.
Si il fait jour dehors, c'est qu'il ne fait pas nuit.
Si il y a du bruit, je ne percois pas le silence.
etc

Or, si l'expérience que nous faisons du réel est partielle car relative au sujet, la réalité dans son essence est est souvent paradoxale.
Héraclite ne disait-il pas "La route qui monte et celle qui descend sont une"?

La vérité inclue et transcende les paradoxes.

C'est dans le but de faciliter cette connexion non-duelle à soi et au monde qu'ont été élaborés ces exercices.

Voici ce qu'en dit Mr Dioptaz:

A chaque instant, notre corps vit une multitude de situations bipolaires dans une totale simultanéité, alors que notre mental n'a accès à ces mêmes bipolarités que de façon successive.


«Par exemple lorsque nous marchons, chaque pied, chaque jambe a un vécu  totalement antagoniste de l’autre.
En effet, alors qu'un pied appuie puissamment sur le sol, absolument au même instant, l'autre pied s'envole se déplaçant dans le vide.
Voilà que, très exactement dans le même temps, le présent de notre corps gère d'un côté  le poids, la fixité, le toucher du "plein" et, de l'autre, la légèreté, le mouvement, le toucher du "vide"...
Le yang et le yin sont présents absolument au même instant, et pas seulement successivement comme notre mental nous les donne à percevoir.
L'attention dont dispose le mental peut passer très vite du ressenti d'un pied à l'autre : pression, envol, pression, envol... yang, yin, yang, yin...
Mais elle ne peut appréhender le relief vital qu'offre le vécu "antagoniste" de nos deux pieds au même instant.»

C'est ainsi, que là où le corps vit une unité, le mental va ressentir un paradoxe s'il s'essaie à participer consciemment de cette unité. 
Il  va se sentir écartelé là où la vie se réunit.
Et c'est en cela que ces paradoxes sont tout particulièrement précieux et pratiques car, non seulement, ils démontrent très simplement et radicalement que ce mode de fonctionnement cérébral ne peut avoir accès à l'unité d'un continuum. Mais ils nous offrent, aussi, un espace expérimental très particulier car les paradoxes y montrent comme une transparence. 
En effet, en cet endroit le mental se trouve juste à l'articulation de ce qu'il peut parfaitement concevoir mais ne peut plus expérimenter. 
Voilà qu'il se voit produire un paradoxe, là où pourtant sa propre logique lui montre qu'il n'y en a pas. Et ceci donne de curieuses propriétés à ce type de paradoxes car d'ordinaire, à l'inverse, c'est la logique qui produit les paradoxes.

Dans ce simple exemple de la  marche, le mental se dit:
« C'est mon corps, ces deux jambes sont les miennes, donc ce qu'elles vivent je peux le vivre bien sûr! ...Oui, voilà, je ressens bien mon  pied qui appuie fortement et fixement sur le sol...  Mais, je constate aussi que dans le même temps mon autre pied en mouvement s'élève léger dans le vide... Mais ce sont deux informations totalement contradictoires! Que faire? Comment puis-je être léger et lourd, en mouvement et immobile tout à la fois? Comment faire?
Je peux ressentir et goûter tout le plaisir qu'il y a à marcher en ancrant puissamment, à chaque pas, mes pieds  dans la terre... Je peux aussi goûter cette liberté d'avoir des ailes au talon qui m'envolent à chaque enjambée. Mais c'est l'un ou l'autre : ou je ressens l'envol, ou je ressens l'ancrage, je ne peux éprouver les deux en même temps. »

Force est de constater qu'en utilisant ce mode d'attention on ne peut apprécier l'entièreté d'un processus aussi simple que "marcher".
Le mental comprent parfaitement cette bipolarité instantanée que vivent "ses" jambes, et pourtant dans le même temps il se doit de constater qu'il ne peut plus expérimenter ce qu'il comprend.

Les techniques Transparadoxales ne servent pas à réunir les polaires, mais à mettre en repos nos conditionnements à polariser le monde.

 Invitant la totalité de l’esprit à participer de ce que vit le corps, les "Koan" Transparadoxaux se présentent ainsi:
            «-Peux-tu, en toute attention, participer de la totalité de ce que vit ton corps durant la marche?»
            «-Peux-tu, en conscience, percevoir tes deux mains pendant que l'une se ferme et que l'autre s'ouvre?»
            «-Peux-tu participer de l'entièreté de ton souffle lorsqu'il... de l'entièreté de ta main lorsqu'elle...»



Pour approfondir les travaux de Michel-Laurent Dioptaz, je vous propose de visiter ces 2 liens:

http://www.transparadox.com/

http://sarbacana.com/


"Le paradoxe est le nerf du réel"Christiane Singer